La Récamier
Sous le Consulat et l’Empire, elle fait fureur. Juliette Récamier est une bourgeoise intelligente, cultivée et pleine d’esprit dont le salon est un « place to be » de la haute société parisienne à la fin du XVIIIème siècle et au tout début du XIXème.
Elle est aussi une importante commanditaire d’objets d’art et de portraits. Elle est de ceux qui permettent aux plus grands artisans virtuoses de l’époque d’exprimer leur savoir-faire par des réalisations innovantes devenues des classiques. Elle commande ses meubles aux architectes Berthault, Percier et Fontaine qui confient la réalisation aux ébenistes Jacob Frères et plus particulièrement à François Jacob Desmalter. Celui-ci créé pour elle un style nouveau — en parfaite adéquation avec le goût qui bouge alors vers un retour à l’Antique, le goût dit « à la grecque » — le style Empire. Elle impose ce goût dans son mobilier et dans ses vêtements. La plupart de ses portraits — et il y en a beaucoup car elle est également très belle, courtisée et aimée des artistes — la représentent allongée, en robe romaine, sur sa fameuse méridienne (la “récamier” donc), l’air pensif.
Le plus connu d’entre eux, réalisé par Jacques-Louis David et visible au Louvre, est en fait inachevé car Madame Récamier n’aima pas son air. En effet, David la représente le visage fermé, regardant le spectateur de face, un air glacial plane sur la scène qui montre un espace quasi vide, ne comportant que le lit de repos, Juliette Récamier et une lampe à huile à l’antique. Il ne plût pas à Madame Récamier et David l’interrompît.
François Gérard prend la relève avec un portrait plus consensuel, elle y est dépeinte également en position de repos, dans un décor qui ressemble à un kiosque en marbre, l’air pensif mais regardant tout de même le spectateur en face. Sa tête penchée, interrogative, sa robe romaine, ses pieds nus, le paysage idéalisé qui se devine à l’arrière... tous ces éléments reprennent le style antique qui lui est si cher. Elle est idéalisée, comme tout ce qui l’entoure et donne une image d’elle qu’elle approuve alors.
Un autre portrait, peint par François-Louis Dejuinne, la montre dans ses appartements à l’Abbaye-aux-Bois. Je dois faire ici une petite digression car sous l’Empire on l’accuse de réunir des opposants à Napoléon ; son mari (banquier) subit divers revers de fortune ; elle est contrainte à l’exil, puis elle revient, puis elle est ruinée à nouveau...bref, la voici chez les sœurs.... Elle pose sur son fameux lit de repos qui est presque un signe d’identification, elle est dans une pièce remplie de livres, d’instruments de musique, d’objets d’art… tous les éléments qui la définissent : cultivée, aimant les arts... Sur le mur au premier plan on reconnaît le tableau de François Gérard Corinne au Cap Misène, inspiré du roman de Madame de Staël, grande amie de Madame Récamier.