La Cène de Leonard de Vinci

Daniel Arasse nous l’avait dit : “On n’y voit rien !” *

A première vue, cette œuvre gigantesque et saisissante — réalisée à l’Eglise Santa Maria delle Grazie à Milan — offre une représentation classique du dernier repas du Christ avec ses disciples, moment instaurant l’Eucharistie dans la liturgie chrétienne.

Si on regarde plus attentivement, on voit que de Vinci rompt ici tous les codes de représentation. Habituellement, les scènes de Cène (… je ne résiste pas… ) montrent Jésus au milieu de ses apôtres et Judas (celui qui va trahir) isolé des autres dès ce moment. Or ici, tous les apôtres sont ensemble, chacun occupé dans une attitude qui lui est propre. Il semble qu’un fil invisible circule entre eux, réunis autour de la figure du Christ, lui-même au centre des trois fenêtres symbolisant la Trinité et donc son caractère divin.

Cette peinture murale a secco , ornant le réfectoire du couvent dominicain, semble prolonger en trompe-l’œil la pièce où elle s’intègre. Mais là encore, en y regardant de plus près, on voit que l’espace architectural ne correspond pas à l’espace où se déroule la Cène. N’oublions pas que Vinci a dit « La pintura e cosa mentale ». La perspective est un indicateur spirituel. Elle sépare l’espace mystique de l’espace réel. Ce que Leonard nous dit ici est que l’espace de la Cène se situe ailleurs

* Daniel Arasse était un grand historien de l’art français disparu trop tôt en 2003, spécialisé dans la Renaissance italienne. On lui doit quelques ouvrages fondamentaux d’histoire de l’art, comme On n’y voit rien et Histoires de peintures (édités tous deux chez Folio), ce dernier étant la transcription de son émission sur France Culture ; mais aussi Le détail, ou la Renaissance maniériste

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