Plonger dans le Bleu avec Miró
En 1925, imprégné par le surréalisme, Joan Miró réalise une peinture-poème sur laquelle on peut voir une tache bleue accompagnée d’une phrase peinte : Ceci est la couleur de mes rêves.
Plus de 35 ans après cette création-déclaration, son ami l’architecte José Luis Sert réalise pour lui un grand atelier à Palma de Mallorca, dans les îles Baléares. Grâce à ce nouvel espace, Miró peut enfin s’attaquer à de grands formats. Et il le fait en 1961 avec les hypnotiques Trois Bleus. Trois grandes toiles conçues comme un tout, un ensemble accueillant, englobant et immersif. Par leur format quasi monumental, ces trois toiles réunies forment une véritable chapelle du Bleu.
Miró dira qu’en ce qui concerne la réalisation de ces trois toiles, le plus important n’aura pas été de les faire mais de les penser, les préparer. Il se compare aux archers japonais qui, avant une compétition, devaient se concentrer en méditant, un long temps, avant d’être prêts à viser juste. De la même manière, Joan Miró se prépare longtemps à réaliser ses toiles, il les pense, les médite et lorsqu’il les réalise, une journée suffit pour peindre les trois. Une journée à la fin de laquelle il s’avoue épuisé.
Ce temps de préparation, Miró semble nous le restituer dans le temps de réception. En effet, dès que l’on entre dans cette superbe pièce aménagée pour les trois toiles dans le Musée National d’Art Moderne au Centre Pompidou, on plonge littéralement dans ce bleu, on en est enveloppé et on y passe le temps nécessaire à s’en imprégner. Par la manière vibrante dont la couleur bleue est appliquée, l’œil se déplace sur la toile, cherchant un signe où s’arrêter. Les signes noirs, rouge, plus ou moins intenses, grands, variants comme le bleu, semblent former une phrase, une écriture archaïque remontant à la nuit des temps, où l’homme primordial observait le même ciel que nous.
Ces trois toiles conçues ensemble comme une invitation à la méditation furent séparées lors de leur vente. Le Centre Pompidou possédait le Bleu I donné par la Menil Foundation en 1984. Il achète le Bleu III en 1988 et le Bleu II en 1994 grâce à de nombreux donateurs. Elles sont enfin réunies telles que Miró les avait voulues.