Le Portrait de Gertrude Stein
Gertrude Stein était une écrivaine, grande collectionneuse américaine arrivée à Paris avec ses frères Léo et Michael au tout début des années 1900. Elle devient très vite le soutien financier de nombreux artistes en ce début de siècle, notamment Picasso mais aussi Matisse ou encore Renoir et Cézanne.
A l’automne 1905, Picasso décide de faire son portrait. Celui-ci lui donne toutefois bien du mal. Il n’est pas satisfait du visage qu’il efface au printemps 1906. On sait qu’il y eut de nombreuses séances de pose, même si le chiffre de 90 avancé par Gertrude semble peut-être un peu exagéré étant donné la rapidité habituelle de Picasso dans la réalisation de ses œuvres.
Nous sommes à un moment charnière de son travail. La période dite rose est en pleine mutation vers l’étape suivante. Picasso est alors fasciné par des œuvres qu’il découvre entre les collection ibères du Louvre, les collections du Musée Ethnographique du Trocadéro, et l’art roman catalan lors de son voyage à Gosól durant l’été 1906. Sur ses toiles, les visages ressemblent à des masques au regard dénué de vie et les formes et volumes des corps se simplifient en lignes simples. De retour à Paris, il reprend le portrait de Gertrude Stein et change le visage en lui donnant la forme et l’expression qu’il peindra quelques mois plus tard dans les Demoiselles d’Avignon et qui initieront le cubisme : un masque triangulaire, des yeux en amande, un nez en quart-de-brie et une oreille pointue.
Quant au corps, Picasso s’est inspiré de la corpulence massive et l’air décidé du Portrait de Monsieur Bertin par Jean-Auguste-Dominique Ingres vu au Musée du Louvre.
Gertrude Stein n’aime pas son portrait et se plaint auprès de Pablo Picasso que le portrait ne lui ressemblait pas. Picasso lui répond alors : « Avec le temps, vous lui ressemblerez ».